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...:::Ansible:::...

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Tous les territoires de l'imaginaire, en vitesse supra-luminique. Chroniques sur le cinéma, la littérature, les jeux, séries TV, bandes dessinées.

Publié le par Ansible
Publié dans : #Films


NON MAIS QUELLE TETE DE KONG !

Je vous l’accorde, elle était facile, celle-là. A moins d’être mon copain David, ou de vivre en Afghanistan (reconnaissons qu’ils ont autre chose à faire en ce moment…), vous n’avez pas pu passer à côté des immenses affiches annonçant le retour de King Kong. Le film de 1933, qui a électrisé l’industrie cinématographique d’avant-guerre, a propulsé ses réalisateurs, Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, mais surtout sa vedette féminine, Fay Wray, vers les statuts d’idoles, d’icônes mythiques et immortelles. Rappelons qu’à l’époque, ce film était le premier mettant en vedette un personnage non-humain. Le film a connu plusieurs suites et remakes plus ou moins avoués, parmi lesquels Le Fils de Kong (1934) et Mon ami Joe (1998), dont le retentissement a été moindre. Sans parler du remake de 1976, par John Guillermin, qui a de nombreux détracteurs.

 

Peter Jackson est un réalisateur qui a toujours clamé que c’est la vision du film de 1933 qui a déclenché sa vocation de réalisateur. A l’âge de 8 ans, il a pressé ses parents pour qu’ils lui payent une caméra Super-8. Puis il s’est mis à réaliser ses propres images de King Kong. Après la carrière et la filmographie que l’on sait (je ne vais pas reparler du Seigneur des Anneaux et de Créatures célestes, non ?), PJ réalise son rêve : lancer un remake de son film-culte. Peut-être aurait-il pu le réaliser auparavant, mais les effets spéciaux n’étaient alors pas assez sophistiqués pour illustrer sa vision. En 1996, un script monstrueux (lisible à l’adresse suivante : http://geocities.com/scifiscripts3/scripts/kingkong.txt) était finalisé. Le script a depuis été « pillé » par nombre de productions postérieures, comme La Momie. Mais débouté par les studios, PJ a alors eu l’opportunité de se tourner vers l’œuvre de Tolkien. Avec la suite et le succès que l’on connaît. Fort de cette expérience et surtout l’immense somme d’argent engrangée, il peut se lancer dans son rêve.

 

Dans ses préparatifs, PJ ne laisse bien sûr rien au hasard, rédigeant lui-même, avec son épouse Fran Walsh et Philippa Boyens. Il propose à Fay Wray, inoubliable interprète du premier film, d’apparaître dans son remake. Mais la frêle femme décède seulement quelques semaines avant le début des prises de vue, à 97 ans. A l’écran, c’est Naomi Watts (The Ring, Mulholland Drive, 21 grammes…) qui succède à Fay Wray et Jessica Lange (heroïne du remake de 1976). Une actrice solide, qui dit avoir été recrutée sur son cri. Le casting est complété avec choix : Jack Black (L’Amour extra-large et L’Age de Glace), Adrien Brody (Le Pianiste, La Ligne Rouge, Le Village, The Jacket…), le désormais célèbre Andy Serkis (Gollum, c’est lui !), Thomas Kretschmann (La Chute, Immortel, U-571, Le Pianiste, Blade 2…),… A noter les présences sympathiques de Kyle Chandler (héros de la mignonne série Demain à la Une), de Jamie Bell (Billy Elliott en personne), et du réalisateur lui-même, en tant que mitrailleur, en compagnie de Frak Darabont (réalisateur de La Ligne verte et Les Evadés) et Rick Baker, célèbre maquilleur du cinéma fantastique. Dans la peau de Kong ? Andy Serkis, qui d’autre ? L’acteur a en effet prêté une nouvelle fois sa morphologie pour la modélisation du grand singe…

 

Rappelons l’histoire, pour ceux qui ne la connaîtraient pas encore… Un groupe de cinéastes et de marins débarque sur Skull Island, une île perdue de l’Atlantique, pour y réaliser la fin d’un film un peu clandestin, par Carl Denham (Jack Black, habité par son rôle, et sans doute contaminé par PJ). Mais ils sont capturés par une tribu d’indigènes, qui offre l’actrice Ann Darrow (Naomi Watts, lumineuse) à une créature gigantesque qui habite la jungle voisine. Cette créature s’avère être un gorille de huit mètres de haut, qui prend la jeune femme en affection. Le groupe décide d’aller la sauver, sous l’impulsion de Jack Driscoll (Adrien Brody), scénariste de Denham et depuis peu petit ami de la belle. Ce sont ensuite des courses-poursuites dans la jungle, entre les marins, l’actrice affolée, des dinosaures qui peuplent les profondeurs de l’île, et Kong. L’histoire s’arrête de temps en temps pour respirer, dans des scènes intimistes (si, si) entre la Belle et la Bête. Puis Kong sera capturé par ruse par Denham, qui l’emmènera pour l’exposer comme une bête curieuse  dans la Grosse Pomme. Kong se libèrera, puis grimpera au sommet de l’Empire State Building, où il mourra, mitraillé par des avions de combat, non sans avoir revu Ann une dernière fois.

 

Jackson a une nouvelle fois tourné en Nouvelle-Zélande, insufflant une nouvelle bourrasque à l’économie locale. Mais cette fois, très peu de scènes seront tournées en extérieur, la jungle de Skull Island et le New York des années 1930 étant assez peu présents dans la nature et les agglomérations kiwi. Dans la foulée du Seigneur des Anneaux, c’est une nouvelle fois la société Weta qui s’est chargée de la partie technique du boulot, depuis deux ans. Le résultat ? Bluffant ! Le Kong est une montagne de réalisme, un chef-d’œuvre d’animalité quadrumane, et une prouesse technique hallucinante.  Les dinosaures ne sont pas en reste, même s’ils sont encore plus effrayants que dans Jurassic Park.  L’équipe artistique est la même que pour la production précédente de Jackson. Jamie Selkirk au montage, Andrew Lesnie en chef opérateur, Richard Taylor (qui a aussi chapeauté le Narnia qui est sorti) aux effets spéciaux, Grant Major aux décors, et Alan Lee à la conception  du design. Une équipe qui a largement fait ses preuves, et qui livre là aussi une partition sans fausse note. Partition illustrée musicalement par James Newton Howard, qui a fait du bon travail sur Batman Begins, tous les films de Shyamalan, et plein d’autres trucs vachement bien. Il faut noter qu’il est arrivé presque en catastrophe sur le film, en remplacement d’Howard Shore, « débarqué » à 15 jours du bouclage… Sa musique s’en ressent, malheureusement. Cependant, avec une enveloppe confortable de 207 millions de dollars, Jackson le tient, son blockbuster.

 

Les polémiques. Il y en a beaucoup autour de ce film. Pourquoi avoir fait une publicité aussi monstrueuse ? L’aura du réalisateur et le mythe de l’histoire devraient suffire à assurer les vieux jours de la Nouvelle-Zélande toute entière. Mais sans doute les producteurs et le studio (Universal et WingNut) ont-ils craint l’effet de flop –relatif- qui a accueilli le remake de 1976. Mais la sortie simultanée d’un jeu vidéo et d’un DVD racontant le tournage étaient-ils nécessaires ? Le marketing gouverne tout au cinéma… Autre polémique. La durée du film. La copie de 1933 dure 1h40. Celle de 1976, 2h14. Jackson, quant à lui, plafonne à 3 heures toutes rondes. La raison, elle est donnée par le réalisateur : « nous avons donné plus d’ampleur à certaines scènes, pour amplifier leur intensité dramatique ». On notera par exemple une longue scène de poursuite avec des tyrannosaures, qui dure, selon les sources (je vous avoue avoir regardé l’écran, et pas ma montre), de 45 à 50 minutes. Et le film de 1933 n’explique rien de la présence de cette équipe de tournage et des marins sur Skull Island, alors que Jackson a rajouté un scène d’introduction pour montrer le contexte social de l’époque, et surtout la situation d’Ann Darrow et Carl Denham. De même, les personnages secondaires, trop vite sacrifiés dans les versions précédentes, sont un peu développés, ce qui permet aux acteurs de faire un vrai boulot, visible à l’écran. De plus, les scénaristes ont inclus dans cette nouvelle version une scène coupée par les réalisateurs de l’original, la jugeant surnuméraire pour s’insérer dans la dynamique du film. Seules restent des photos de production pour témoigner de leur impact visuel. Jackson s’en inspirera pour réaliser cette scène, montrant nos aventuriers en fâcheuse posture dans un ravin infesté d’araignées, de cafards et de crabes géants… Une scène qui fait bien sûr énormément penser à l’épisode d’Arachne, dans Le Seigneur des Anneaux. A noter que Jackson recyclera d’ailleurs plusieurs trouvailles visuelles de sa trilogie épique dans son opus à tiques. Une partie du public réagit très mal à la présence des dinosaures dans le film… Mais il faut savoir que cela existait dans la version d’origine, et que Jackson, bien sûr, a tiré la scène au maximum… Bon, si vous n’aimez pas les dinosaures et les grands singes, n’allez pas voir ce film, hein… Bon, trois heures de métrages pour la version cinéma… Je n’ose imaginer à quoi ressemblera la version longue qui sortira en DVD l’an prochain…





Venons-en à la grosse polémique. Celle qui fâche une partie du public et des critiques. Ann Darrow se fait enlever par une bête sauvage de huit mètres de haut. Il l’emporte dans une jungle inconnue, au sommet d’une montagne… Contrairement à Fay Wray (considérée comme la première « scream queen »), Naomi Watts ne crie que très peu. Pire, elle sympathise très vite avec Kong. Bon, d’accord, ça c’était dans le film d’origine. Mais… c’est tout. Ils font copain-copain, elle fait des cabrioles pour le faire rigoler. Limite s’ils ne font pas un concours de pets. Où est la dimension érotique, bordel ? Souvenez-vous de l’effeuillage discret d’Ann par l’index de Kong… C’est où ça ? Ah oui, et puis, loin de l’aspect dramatique de l’ensemble de l’histoire, Jackson glisse régulièrement des scène empreintes d’un humour bon enfant, pas toujours discernables de prime abord. Mais ça, c’est plutôt bien vu, même si le final fout toujours autant les boules… Mais on est un peu déçu tout de même par la frilosité de PJ. Il filme son histoire d’une façon quelque peu classique, froide, à la façon de son faux documentaire Forgotten Silver. Alors qu’on aurait aimé voir des fulgurances baroques, des envolées lyriques, c’est un peu plat la plupart du temps. Un peu de gore avec les indigènes de Skull Island, et c’est tout…

 

Les clins d’œil. Jackson ne pouvait pas ne pas en faire. King Kong est pour lui un symbole, un aboutissement. De fait, on sent bien dans le personnage de Carl Denham un mélange entre celui de 1933, un Orson Welles passionné et un alter ego de lui-même. Le réalisateur apparaît d’ailleurs en chair et en os dans le costume d’un mitrailleur, participant à la mise à mort du grand singe à la fin du film. Symbolique ? Certainement ! Peter Jackson espère avoir réalisé là la vision ultime de cette œuvre symbolique, de ce fossé d’incommunicabilité entre deux êtres qui s’aiment pourtant. la tentative stupide d’amadouer l’enfant indigène avec… une barre de chocolat Nestlé nous invite à une connivence réjouissante. De même la mise en abyme avec le tournage sur le bateau qui s’avère être un échos du premier King Kong ou le jeune mousse Jimmy lisant Au cœur des Ténèbres de Joseph Conrad, livre dont s’est inspiré Coppola pour Apocalypse Now et renvoie au thème de la quête létale et sans but véritable (à l’inverse du Seigneur des Anneaux) permet de nouer avec le spectateur une connivence intellectuelle. Le film est parsemé de clins d’œil aux films de monstres des années 1950 (logique, me direz-vous, puisque le premier King Kong a indirectement inspiré ces films, et que Willis O’Brien, concepteur du grand singe initial, a initié cette vague de films de monstres). Au début du film, les protagonistes se permettent même de faire un énorme clin d’œil au film de 1933. A ne pas laisser passer, c’est plutôt sympa.

 

Et malgré ces points positifs, je n’ai pas pu m’empêcher de ressentir un malaise pendant un tiers de la longueur du métrage. Parce que je n’aime pas les araignées. Et que j’ai le vertige. La scène finale de King Kong, qu’elle date de 1933, de 1976 ou de 2005, me fera toujours flipper. Je n’ai jamais aimé King Kong, essentiellement pour ces raisons.

 

 

Au final ? Un film qui fera quand même date, de par la taille de ses moyens, de son interprète principal. Il y a eu beaucoup d’argent d’investi dans ce film, et ça se voit à l’écran. Esthétiquement, techniquement, le film est réussi. Par contre, et c’est le reproche que l’on fera peut-être toujours à Peter Jackson au sujet de ses adaptations ou remakes, c’est l’orientation narrative qu’il prend. Il décide de supprimer certaines scènes (pas ici, heureusement), en  réinterprète d’autres… Sur le plan artistique, rien à dire, tout est bon. Naomi Watts éclabousse toujours l’écran (bleu) de sa classe, et les acteurs sont tous bons. Mais ce King Kong des années 2000 est et restera dans l’histoire du cinéma comme un pop-corn movie de très bonne facture, pas un chef-d’œuvre impérissable.

 

Spooky.

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